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  • Photo du rédacteurStacy Alice

le dindon de la farce

Chapitre 7

Un peu avant le plat principal, je décide de me réfugier au premier étage. J’ai aboyé des ordres pendant plus d’une demi-heure et je me sens coupable d’avoir été aussi agressive alors que mon équipe est parfaite. Mon second a bien compris que quelque chose me tourmente, mais même s’il est doué pour les encouragements, Léonard ne va sans doute pas prendre le temps d’écouter mes états d’âmes. D’autant plus qu’il n’a pas le temps de le faire ce soir. Pas avant le dessert en tout cas. Comme l’année dernière, le service sera terminé pour nous à 23h30. Ce qui nous laissera le temps de profiter du passage à la nouvelle année avec les autres convives. Pourtant, me voilà sur la terrasse du premier étage, accoudée à la balustrade, admirant la lune au-dessus de la colline couverte de vignes au loin. Le ciel est parfaitement dégagé ce soir, les étoiles brillent si fort qu’elles semblent prêtes elles aussi à célébrer la nouvelle année avec nous. Rien que ces quelques minutes à fixer l’étendu étoilée dans le silence impatient de cette nuit me suffit à me détendre. Juste en-dessous de mon balcon, j’entends la porte s’ouvrir et vois quelqu’un s’avancer sur la terrasse extérieure pour fumer une cigarette. La fumée se mêle à son souffle et monte en de petits nuages blancs qui s’évaporent dans l’air froid.

— C’est très beau ici.

Je sursaute, n’ayant pas remarqué que quelqu’un m’avait rejoint. Évidemment, c’est Noël. Dans son costume trois pièces, les manches remontés jusqu’aux coudes et le gilet déboutonné, il est à tomber. Il se tient à quelques pas, les mains dans les poches, n’osant pas me rejoindre sur le balcon. Tant mieux pour lui, car je ne suis pas certaine de pouvoir supporter le sentiment de honte qui me gagne en pensant au message que je lui ai envoyé cette semaine et qui est resté sans réponse.

— Oui, j’aime venir ici quand il n’y a personne, dis-je en me retournant vers les collines.

Je l’entends s’avancer vers moi, ne sachant pas si je suis contrarié qu’il n’ait pas compris que je veuille rester seule, ou si j’apprécie sa présence.

— Je suis désole, lâche-t-il en s’accoudant à la rambarde.

— Pourquoi ?

— De perturber ton moment de solitude.

Au moins on peut dire qu’il voit clair et qu’il vise juste. J’ai du mal à déterminer si c’est positif ou énervant. Je crois que c’est un point en sa faveur. Pourtant, je reste silencieuse à côté de lui, attendant de savoir s’il compte me parler ou s’il est juste venu ici par hasard. Peut-être qu’il n’a jamais eu mon message finalement. Les secondes s’écoulent et après un long silence, je le vois m’observer du coin de l’œil.

— J’ai harcelé Leia pour les accompagner ce soir, m’avoue-t-il.

Ma curiosité est piquée. Me tournant vers lui, je fronce les sourcils et essaye de deviner ses intentions. J’ai dit à Leia que je n’ai jamais eu de réponse de Noël. Je ne sais pas ce qui a pu la convaincre de le laisser les accompagner ce soir et ça commence à me donner mal à la tête. Parce que je sais que ma meilleure amie ne ferait rien qui me mette dans l’embarra ou qui me fasse du mal. Mais quelle pourrait être la bonne raison qu’a trouvée Noël si ce n’est qu’il n’a jamais eu mon message ? A moins qu’il ne voulait que venir à cette soirée sans forcément me voir moi en particulier. Ça c’est encore plus blessant.

— Pourquoi ne pas avoir demandé à ton cousin ?

— Il ne te connaît pas comme elle.

— Je ne vois pas ce que ça change.

Il sourit, mon entêtement semble l’amuser. Ou alors, il me cache quelque chose. Son regard est bien trop malicieux, un peu comme celui de Monsieur Goetz quand il a une idée derrière la tête, comme de commander une sculpture de glace en forme de château pour la réception de ce soir.

— Il faut que je retourne travailler, dis-je pour couper court à ses idées.

Mais alors que je retourne vers l’intérieur, Noël attrape mon bras et m’attire brusquement vers lui. Un bras autour de ma taille et une main dans mon cou, il plonge son regard sombre dans le mien, semblant m’envoûter comme un charmeur de serpent.

— Je t’embrasserais ce soir, Swan. Je te le promets, ajoute-t-il dans un souffle tout en se penche un peu plus vers moi.

Son regard ne quitte pas le mien avant que je sois obligée de loucher pour le suivre. Ses lèvres, délicates comme une plume, se posent sur ma peau, juste à côté de ma bouche, comme un avant-goût palpitant. Elles s’y attardent, sans doute trop longtemps pour que je puisse respirer normalement, car ma tête se met à tourner et mon cœur s’emballe.

— Tu… tu n’as pas le droit de faire ça, m’énervé-je quand il se recule.

Il ne semble pas surpris, mais garde le silence en scrutant mon visage. Il me tient toujours dans ses bras ce qui est très perturbant et agaçant. Alors, d’un geste vif, je le repousse et m’éloigne vers la porte en gardant un bras tendu entre nous pour lui ordonner de ne pas s’approcher.

— Swan…

— Je ne suis pas un jouet, Noël. Si tu aimes jouer comme ton cousin, sache que je ne suis pas intéressée.

Il s’apprête à répondre, mais je dresse un doigt pour l’en interdire et me précipite à l’intérieur, rejoignant au plus vite les escaliers pour retrouver le seul endroit où je me sente vraiment à ma place.

En bas des escaliers, je retrouve Leia qui sort des toilettes. Voyant mon visage et surtout mon regard assassin, elle se met à pâlir. Mais je suis trop en colère pour lui parler maintenant, et je refuse qu’un homme soit à l’origine d’une dispute entre nous. Pourtant, alors que je la dépasse sans un mot, elle m’attrape le poignet et m’attire dans l’autre sens vers les toilettes.

— Je dois aller travailler, Leia, protesté-je une fois à l’intérieur.

— Je n’en ai pas pour longtemps.

Elle se plante devant la porte pour que je ne puisse pas sortir et la verrouille.

— Est-ce que tu lui as parlé ?

Je n’ai pas besoin de demander pour savoir de qui elle parle.

— Oui, et c’était une mauvaise idée. Comment as-tu pu l’emmener ici ? Ce soir ?

Pinçant les lèvres, elle me regarde plus attentivement, semblant essayer de lire dans mes pensées.

— Il ne t’a pas expliqué.

Ses paroles ne sonnent pas comme une question, mais une simple affirmation qu’elle déduit d’un rapide coup d’œil.

— Je ne suis pas certaine de vouloir une explication. De toute façon, il n’est pas pour moi. C’est un joueur et j’en ai assez bavé avec Raymond.

Rien que de penser à mon ex me donne des sueurs froides. Il n’était pas violent au sens littérale, pas physiquement du moins. Mais il m’a toujours rabaissée et j’ai mis du temps à comprendre que c’était lui le problème et pas moi. Il savait comment m’amadouer, comment me faire tomber amoureuse de lui encore et encore juste après m’avoir humiliée ou insultée. Me consacrer à ce restaurant m’a aidé à remonter la pente et à prendre soin de moi à nouveau. Alors je refuse de me laisser embarquer dans une histoire qui risque de me détruire encore une fois.

— Noël n’a rien à voir avec ce connard, Swan, me rassure Leia en venant prendre mes mains.

Elle cherche mon regard alors que je fuis le sien pour ne pas pleurer. Avec tout le stress de cette soirée et cette histoire avec Noël, je suis bien trop à fleur de peau.

— Je ne te dis pas ça parce que c’est l’ami de Noah, mais parce que j’ai pris le temps de l’écouter pendant les 7 heures qu’il a passé aujourd’hui à me suivre partout pour me convaincre de le ramener avec nous ce soir. Il est un peu dingue, je te l’accord, mais il n’est pas méchant. Il me fait penser à un petit chiot tout fou qui te saute sur la jambe pour que tu le caresses.

Sa comparaison me fait rire, bien qu’une larme se soit évadée sur ma joue. Leia l’essuie du bout des doigts et me prend dans ses bras.

— Laisse-le s’expliquer au moins. Ensuite tu pourras le jeter s’il le mérite.

Je la serre contre moi, chassant la peine qui essayait de s’immiscer en moi.

— D’accord. Mais pas tout de suite.

Je recule et la relâche au moment où quelqu’un essaye d’ouvrir la porte.

— J’ai une soirée à assurer d’abord, ajouté-je avant d’aller ouvrir.

Une dame ridée mais très élégante, nous regarde d’un air surpris et suspicieux. Elle me dévisage, puis regarde Leia et fini par hausser les épaules avant d’entrer et se diriger vers l’une des cabines. Prise d’un fou rire, je fais un dernier signe à Leia et me réfugie enfin dans les cuisines pour terminer la soirée.



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