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Premier rendez-vous

Adam 

​

            La chemise bleue, ou la chemise noire ? Je présente les deux devant moi, une après l’autre, en me demandant pour la cinquième fois devant mon miroir, si la bleue me va mieux. Moi qui suis plutôt fervent des t-shirts sans prise de tête, je me retrouve comme un imbécile à fouiller dans ma penderie alors que je n’ai même pas encore annoncé la nouvelle à Kiara. Elle ne mettra sans doute pas plus de cinq minutes pour trouver de quoi être parfaite, et elle sera sans doute prête avant moi, si je ne me décide pas. Finalement, la grise est peut-être mieux. Je repose la noire et la bleue sur le lit avec les six autres et soudain, un long frisson recouvre mes bras et descend le long de mon dos. J’entends la clé entrer dans la serrure et le verrou qui se débloque. Un sourire s’immisce déjà sur mes lèvres. Je reste pourtant silencieux et immobile. Je ne veux pas qu’elle pense que je l’attends derrière la porte dès qu’elle rentre à l’appartement. Je n’aime pas lui montrer à quel point je suis accro à sa présence dans ma vie. Ça me donne l’impression de l’étouffer.

— Honey ?

Je retiens un grognement satisfait en entendant le surnom qu’elle me donne. Elle accroche ses clés près de la porte et son manteau dans l’entrée.

— Dans la chambre, je lui réponds tout en rangeant les chemises dans la penderie.

— Laquelle ?

Je lève les yeux au ciel et referme la porte de l’armoire.

— A ton avis ?

La question ne se pose même pas. Elle n’a plus dormi dans sa chambre depuis que nous sommes revenus d’Australie il y a un mois. J’avais envie de la suivre à la trace toute la journée pendant les premières semaines, pour être certain qu’elle ne me glisse plus entre les doigts, mais j’ai fini par comprendre qu’elle ne repartirait plus. Pas sans moi en tout cas.

Ses pas résonnent derrière moi et je me tourne pour la voir entrer dans notre chambre, vêtue de son jean brut, ses escarpins beiges et son chemisier rose pâle. Je ne comprends toujours pas comment elle fait pour toujours être aussi superbe, malgré ses cheveux visiblement secoués par le léger vent et son air un peu fatigué. Il faut dire que nous avons eu une longue semaine de travail. Ce n’est peut-être pas une bonne idée d’exécuter mon plan ce soir.  

— Serais-tu… comment dit-on déjà ? Ronchon ? elle demande en croisant les bras sous sa poitrine, s’appuyant contre le mur d’un air nonchalant.

Ses yeux me déshabillent, et comme à chaque fois, quand son regard croise à nouveau le mien, elle rougie. Je lui adresse un regard entendu, juste parce que ça m’amuse de la voir rougir un peu plus. J’ai toujours l’impression d’être le maître de son corps quand je la vois réagir aussi rapidement.

— J’aime bien dire ce mot, ronchon, elle répète en fronçant le nez pour revenir à la conversation.

— Je ne suis pas ronchon, je lui réponds en m’approchant pour la prendre dans mes bras.

Elle décroise aussitôt les siens pour les passer autour de mon cou et m’offrir ses lèvres. Et en cet instant je me sens à la maison. Plus rien d’autre n’a d’importance… à part peut-être ce que j’ai à lui dire.

— Quelque chose ne va pas, elle dit en s’écartant juste assez pour voir mon visage.

Je souris et embrasse le bout de son nez.

— Je veux t’inviter, je lui dis en passant une main dans ses cheveux.

Elle ferme brièvement les yeux et soupire.

— M’inviter ?

— Un rendez-vous, je réplique avec un faux accent anglais.

Elle glousse mais fronce les sourcils en m’étudiant.

— Pourquoi tu veux m’inviter ?

— Parce que je ne l’ai jamais fait.

— Si. A chaque fois qu’on sort, tu refuses que je paye.

— Ce n’est pas la même chose. Là je te parle d’un vrai rendez-vous. Un rencart, en amoureux.

Elle sourit plus largement à ces mots, comme si elle apprenait pour la première fois que je l’aime.

— Comment t’es venu cette idée ?

Je hausse une épaule et la rapproche encore de moi. J’aime sentir sa chaleur contre mon corps et son souffle sur ma peau.

— Je veux avoir quelque chose à raconter quand on nous demandera comment était notre premier rencard.

Elle penche la tête sur son épaule, pinçant les lèvres, sans me laisser la moindre chance de comprendre ce qui lui passe par la tête. Elle pourrait très bien se mettre à rire ou à pleurer d’une seconde à l’autre, je n’ai pas la moindre idée de ce qui m’attend dans les prochaines minutes.

— D’accord, elle soupire finalement avant de déposer un léger baiser sur mes lèvres.

— Ce soir ?

Les mots sortent comme une question, mais elle n’a pas vraiment le choix. J’ai déjà réservé une table dans un restaurant chic que mon père m’a recommandé. Quand je l’ai appelé pour avoir son aide, il est resté muet un long moment. Je crois que ça lui a fait un choc. Je ne leur ai pas encore officiellement annoncé que je suis avec Kiara, mais je pense qu’ils s’en doutaient déjà.

— Ce soir, elle confirme.

Je l’embrasse en souriant, juste un effleurement pour ne pas nous enflammer et risquer de nous mettre en retard. Je veux que tout soit parfait.

— Alors tu as deux heures pour te préparer, je lui annonce en regardant ma montre. Je viendrais te chercher à dix-neuf heure trente.

— On vit dans le même appartement, elle me rappelle les sourcils froncés.

— Je sais, Einstein. Mais j’ai quelque chose à faire avant. Alors je viendrais te chercher à la porte de ta chambre à dix-neuf heure trente.

— De ma chambre ? elle insiste d’un air espiègle.

— Et pour être clair, c’est bien la dernière fois que je l’appellerais « ta chambre ». A partir de maintenant, ça sera la chambre d’ami.

Elle se mord la lèvre pour ne pas rire, mais je vois dans ses yeux à quel point mon comportement l’amuse. J’aime tellement l’idée qu’elle soit à moi, que je ne veux rien pour nous séparer.

— Et si un jour je suis furieuse contre toi ?

— Tu n’auras qu’à me bouder tout en dormant dans mes bras. Sache que si tu essayes seulement de dormir dans un autre lit que le mien, je viendrais te cherche de force.

Elle hoche la tête en essayant de rester sérieuse, mais son rire n’est pas loin.

— Alors ça veut dire que tu ne m’embrasseras pas sur le pas de la porte à la fin de notre rendez-vous ?

Je souris, mon estomac commençant à s’agiter d’impatience.

— Oh si, je lui réponds en déposant un baiser sur ses lèvres. Je t’embrasserais sur le pas de la porte. (J’en dépose un autre sur sa joue) Et dans l’entrée. (Un autre baiser sous son oreille) Et dans le couloir. (Je me penche un peu plus pour embrasser son cou) Et je t’embrasserais beaucoup dans la chambre.

Elle soupire et je sens ses ongles s’enfoncer dans mes épaules.

— Peut-on passer directement à cette partie ? elle demande timidement.

Je perds presque le contrôle rien qu’avec cette question. Presque.

— Je veux vraiment que cette soirée soit parfaite, Kiara.

Elle plonge son regard d’émeraude dans le mien et me sourit de cette façon à la fois si innocente et coquine, qui fait flancher mes genoux.

​

Après avoir récupéré le collier que j’ai commandé pour elle et être passé chez le fleuriste, je retourne à l’appartement et me réfugie dans ma chambre pour me préparer. Il me reste une demi-heure pour être irrésistible à ses yeux. Il faut qu’elle ne regarde que moi. Je me surprends encore à fusiller du regard certain hommes qui osent poser leurs yeux sur Kiara trop longtemps à mon goût. Je ne suis pas du genre très jaloux, mais je veux que tout le monde sache qu’elle est à moi. C’est aussi pour cela que je lui ai acheté ce collier. Je ne suis pas encore prêt à lui offrir une bague et la demander en mariage, ça serait beaucoup trop tôt, même si je pense que la voir sortir de ma vie me tuerait. Et je veux tout faire pour qu’elle ressente cela aussi. Je veux qu’elle me désir sans retenue. Alors je prends bien soin de me préparer, enfilant ce que j’ai de plus classe pour la surprendre. Et à dix-neuf heure trente précisément, je toque à la porte de la chambre d’ami. Je suis aussi nerveux qu’un ado à son premier rendez-vous et l’idée me fait rire. Mais mon sourire disparaît quand la porte s’ouvre, dévoilant une femme magnifique aux cheveux blonds qui lui tombent en douces vagues sur les épaules. Ses yeux d’émeraude sont mis en valeur par un léger trait noir, sa bouche est encore plus scandaleuse avec ce rouge à lèvre, et cette robe ! Dans un tissu noir légèrement brillant, elle épouse les formes de son corps et s’évase vers les genoux, me donnant l’envie de tout balancer, oublier mes plans, et la prendre là, tout de suite.

— Magnifique, je souffle sans plus savoir quoi faire de mes mains ou du bouquet de fleurs.

— Merci, elle réplique, tu n’es pas mal non plus.

Je grogne et lui tends le bouquet que je tiens dans mes mains. Souriant, elle tend la main pour le prendre mais s’arrête brusquement. Son visage se crispe et ses yeux s’écarquillent.

— Daffodils ?

Je fronce les sourcils, me demandant si je viens de passer dans un monde parallèle.

— Attends, elle dit en pointant un doigt en l’air, me tenant à distance.

Elle se penche vers le lit et récupère son téléphone. Après quelques secondes à pianoter sur l’écran, elle relève les yeux vers moi.

— Ce sont des… jonquilles ? elle demande en hésitant sur la prononciation du dernier mot.

— Euh… oui.

Elle repose son téléphone et recule encore d’un pas.

— Je ne peux pas m’en approcher.

— Tu es allergiques ?

— Si ça veut dire que je reçois des … tâches rouges, alors oui.

Merde. Je n’aurais pas pu me contenter d’un banal bouquet de roses rouges au lieu de faire le malin avec des jonquilles et des roses blanches ? Sans dire un mot, je me précipite dans le salon et ouvre la porte du balcon pour jeter le bouquet. En voyant une jeune femme passer, je l’interpelle. Elle regarde tout autour d’elle avant de lever les yeux vers moi.

— Vous aimez les jonquilles ? je lui demande en agitant le bouquet.

Elle semble me prendre pour un fou mais ne bouge pas. Alors je laisse le bouquet tomber vers elle.

— Bonne soirée, je lui cris avant de retourner dans le salon.

— You’re crazy, s’amuse Kiara en secouant la tête.

Je penche la tête sur mon épaule et m’approche pour la prendre dans mes bras.

— Je suis fou de toi, oui.

Ses lèvres retrouvent les miennes, ses doigts plongent dans mes cheveux, et je sens ce pincement dans ma poitrine, ses fourmilles dans mes doigts, cette envie de la faire mienne encore une fois.

— On doit y aller, je dis précipitamment en me reculant.

Je compte bien tenir jusqu’à la fin de la soirée pour qu’elle me supplie de la prendre.

Avec une petite moue boudeuse qu’elle essaye de cacher, elle retourne dans la chambre chercher son sac à main et nous partons pour le restaurant.

​

— Tiens-moi les mains, m'ordonne Kiara alors que nous approchons du restaurant.

— Je tiens déjà ta main, Chérie, je lui réponds en resserrant ma prise autour de celle qui repose sur sa cuisse.

Elle se frotte le cou avec un petit gémissement.

— Non, les deux. Tiens les deux.

Je m’arrête sur le parking et me tourne vers elle. J’ai envie de me frapper en voyant pourquoi je dois lui tenir les mains. Des petites plaques rouges ont commencé à apparaître sur sa peau, dans son cou et sur ses bras d’après ce que je vois. Et elles semblent la démanger.

— J’irais mieux dans un petit moment, mais il faut que tu me tiennes les mains.

Il nous reste deux minutes avant l’heure à laquelle j’ai réservé notre table, ça devrait aller. Une fois garé, je me tourne vers elle et prends ses mains.

— Je suis ridicule, elle marmonne en baissant les yeux.

— On ne les voit presque pas.

Je la vois serrer les dents et grimacer de temps à autres. Je la laisserais bien se soulager, au risque qu’elle porte de vilaines marques pendant quelques jours, mais les regards furieux qu’elle me lance quand j’essaye de la libérer ont fini par me dissuader.

— Tu as d’autres allergies ? Histoire que je ne fasse pas à nouveau la même erreur.

— Pas d’autres fleurs.

Je grogne en songeant que sur toutes les variétés de fleurs, j’ai précisément choisi celle à laquelle Kiara est allergique.

— Et en dehors des fleurs ?

Elle se dandine et grimace, luttant sans doute contre une envie de se gratter.

— Je crois que non.

— Les fruits de mers ?

Elle secoue la tête. Bien, au moins elle pourra manger ce qu’il y a au menu de ce restaurant.

— Tu te sens capable d’y aller, maintenant ?

Elle retire ses mains des miennes et attend quelques secondes.

— Je crois que oui.

— Bien. Alors ne bouge pas.

Elle fronce les sourcils alors que je sors de la voiture, faisant le tour pour lui ouvrir la portière.

— Un vrai gentleman, elle me taquine en sortant du véhicule.

Je lui décoche un clin d’œil, claque la portière et lui prend la main pour aller jusqu’au restaurant. Mais soudain, un bruit très inquiétant nous arrête. Je me retourne pour voir le visage horrifié de Kiara, qui n’ose plus bouger. Alors c’est moi qui suis obligé de lui annoncer la mauvaise nouvelle. Le bruit inquiétant était bien ce que je pensais.

— Ta robe est déchirée, je grimace.

M’empressant d’ouvrir la portière pour libérer le morceau coincé, j’évalue les dégâts. Une ouverture se prolonge maintenant depuis le bas de la robe jusqu’à mi-cuisse, dévoilant presque toute sa jambe. 

— Au moins ce n’est pas celle que tu veux cacher, je lui dis avec un air faussement innocent.

Je m’attends à ce qu’elle fonde en larme, ou qu’elle panique, mais elle ne fait qu’inspirer profondément, fermer les yeux quelques secondes, puis elle m’adresse un sourire.

— Ce n’est pas grave.

Elle passe sa main sur le tissu déchiré, l’arrangeant pour que les plis ne dévoilent pas trop la catastrophe, puis reprend ma main.

— Allons-y.

​

— Vous avez réservé pour vingt heure, Monsieur, dit le jeune homme derrière le comptoir d’accueil du restaurant.

— Nous n’avons que sept minutes de retard, je lui réponds légèrement tendu.

Il ne va pas me dire qu’ils ont eu le temps de donner notre table à quelqu’un d’autre en sept minutes quand même.

— Nous étions sur le parking, j’ajoute comme si cela allait changer quelque chose.

Il me regarde, puis observe Kiara de la tête aux pieds, et lorsqu’il aperçoit la déchirure qu’elle essaye encore de camoufler, son visage prend une expression qui ne me plait pas.

— Je vois, il dit simplement d’un air complice.

J’ai envie de lui faire ravaler son sourire mais ça ne jouerait pas en ma faveur. Il peut bien s’imaginer ce qu’il veut, du moment qu’il nous donne cette foutu table.

— Veuillez me suivre, j’ai encore une table disponible.  

— Il croit que c’est toi qui a déchiré ma robe, glousse Kiara tout près de mon oreille pour ne pas se faire entendre.

— J’aurais préféré que ce soit dans les conditions qu’il imagine.

Je la vois rougir, me demandant si c’est à cause de cette conversation ou de sa réaction allergique.

​

Je me sens légèrement nauséeux en sortant du restaurant, sans doute à cause du stress et de la fatigue. Je me suis mis une pression incroyable pour que ce rendez-vous soit parfait, et il n’y a eu que des problèmes.  

— Veuillez encore accepter nos excuses, Monsieur, me dit le type qui était à l’entrée alors que nous sortons du restaurant.

Je secoue la main, plus parce que j’ai vraiment besoin de respirer l’air frais que pour l’ignorer. Ce n’est pas une catastrophe, mais c’est encore un couac dans la soirée. Durant le repas, un serveur qui passait à côté de moi s’est fait bousculé. Il a perdu l’équilibre et s’est rattrapé à notre table, mais la bouteille de vin rouge qu’il tenait en main a perdu une partie de son contenu sur mon pantalon et ma chemise.

— Ce n’est pas si grave que ça, me dit Kiara en déposant un baiser sur ma joue.

Elle essaye sans doute de me détendre, mais je n’y suis pas encore. Je connais bien une chose qui pourra vraiment me détendre, mais il va falloir rentrer et la déshabiller d’abord.

— Viens, marchons un peu, elle me propose en me tirant déjà le bras.

Son enthousiasme me fait oublier le début catastrophique de la soirée. Nous arrivons rapidement sur les quais et déambulons sous les lumières de la ville qui se reflètent dans l’eau. L’air est tiède et agite doucement les cheveux de Kiara alors qu’elle s’installe sur un banc.

— Si c’était notre premier rendez-vous, je ferais en sorte de rester ici toute la nuit pour retarder le moment de nous séparer, elle me dit en se blottissant contre moi.

— Mais nous n’allons pas nous séparer à la fin de la soirée. D’ailleurs, j’ai quelque chose pour te le rappeler.

Je sors la boite contenant le collier de la poche de ma veste et lui tend.

— Oh no, elle soupire brusquement, les yeux exorbités de frayeur.

— Calme-toi, ce n’est pas ce que tu crois, je lui dis en prenant sa main pour y déposer la boite qui est effectivement aussi petite qu’une boite qui pourrait contenir une bague.

Les mains tremblantes, elle me lance des regards douteux, mais finit par l’ouvrit, et découvre le collier en laissant échapper un soupir de soulagement. C’est une simple chaîne dorée où est accrochée un signe de l’infinie gravé de nos deux prénoms.

— Je l’adore, elle dit avec un large sourire en le sortant de la boite.

Je l’aide à le mettre autour de son cou et me retrouve soudain propulsé en arrière alors qu’elle m’embrasse, me chevauchant sans se soucier d’être vue, ni de sa robe déchirée. Mes mains se plongent dans ses cheveux, accueillant avec bonheur ses petits gémissements, et mon cœur s’emballe. Je retrouve avec joie cette sensation d’ivresse qui affaiblit mes jambes et me donne le tournis. Mais il y a quelque chose d’autre. Une sensation inhabituelle que je ne trouve pas très agréable. Je me sens à nouveau nauséeux.

— On devrait rentrer, propose Kiara en grimaçant.

— Ça va ?

— Je n’en suis pas certaine, elle répond en se levant doucement, une main sur l’estomac.

​

— Je voulais vraiment que cette soirée soit parfaite, je gémis en rampant sur le sol froid.

Un grognement me parvient de l’autre côté du couloir et je prends à peine le temps de jeter un coup d’œil derrière moi pour voir Kiara assise sur le sol, adossée au mur, avant de rejoindre la salle de bain. J’arrive à me lever, attraper un gant de toilette que j’humidifie avec de l’eau froide et le pose sur mon front avant de m’écrouler sur le sol.

— Adam ?

Je me redresse au son de sa voix plaintive et la vois s’approcher de moi à quatre pattes avec le même regard qu’une lionne prête à attaquer. La scène pourrait être excitante si elle n’avait pas le teint aussi pâle et l’air aussi faible. Parce que si elle ne s’approche pas en marchant sur ses pieds, c’est bien parce qu’elle n’en a plus la force.

— Tu m’en veux ? je lui demande tout en reculant un peu pour lui laisser de la place à côté des toilettes.

— Si tu ne m’avais pas offert ce collier, je pourrais croire que tu as essayé de me tuer ce soir.

Je l’attire contre moi, et sans résister une seule seconde, elle s’affale sur mes cuisses, la tête contre mon torse.

Nous avons à peine eu le temps de rentrer à l’appartement avant que je ne rende une partie de mon repas dans les toilettes. Puis Kiara s’y est mise aussi. Et nous n’avons pas arrêté jusqu’à ce que nos estomacs soient totalement vides. Je ne sais pas si ça vient du dîner ou d’un virus que nous avons attrapé, mais je le regrette amèrement. Je pourrais être au lit, blotti contre son corps complètement nu en ce moment.

— Ne t’arrête pas, marmonne Kiara les yeux fermés.

Elle attrape mon poignet et repose ma main sur sa tête. Avec un léger sourire, je recommence à lui caresser les cheveux, en passant mes doigts dedans, toujours au même rythme.

— Tu auras plein de choses à raconter pour notre premier rendez-vous, maintenant, elle dit avec un sourire ironique.

Je lui embrasse les cheveux, puis colle ma joue au mur froid.

— Ce n’était que l’entrainement, on en fera un autre.

Elle rit et attrape le gant pour le poser sur son front.

— Une chose est sûre, on ne va pas l’oublier.

Je gémis mais resserre mes bras autour d’elle.

— Je crois qu’on n’en parlera à personne.

— Personne, elle répète dans un soupir.

On devrait aller dans notre lit, mais je ne suis pas certain d’y arriver. Tendant le bras, j’attrape deux serviettes et les plies pour qu’elles soient assez confortables avant de m’allonger sur le sol en posant ma tête dessus. Kiara suit le mouvement sans protester, laissant sa tête sur mon torse et remettant ma main dans ses cheveux. Elle est à moitié allongée sur moi, son corps chaud réchauffe le mien, et bien que ce ne soit pas du tout la fin que j’avais prévue pour cette soirée, je m’en sors plutôt bien. C’est le pire, le meilleur et surtout le dernier premier rendez-vous de ma vie.  

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